Rôle des IgG anti-IgA et du complément dans les « allergies » aux Ig polyvalentes dans les déficits immunitaires : une étude pilote monocentrique
Depuis les années 1960, la présence d’IgG anti-IgA dans le sérum de patients atteints de déficit immunitaire humoral (DIH) est jugée responsable d’un risque d’hypersensibilité (HS) aux perfusions d’immunoglobulines polyvalentes (IgP) [1]. Celles-ci sont donc déplétées sans être totalement dépourvues...
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Published in: | La revue de medecine interne Vol. 45; pp. A96 - A97 |
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Main Authors: | , , , , , , , , , , , , |
Format: | Journal Article |
Language: | French |
Published: |
Elsevier Masson SAS
01-06-2024
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Summary: | Depuis les années 1960, la présence d’IgG anti-IgA dans le sérum de patients atteints de déficit immunitaire humoral (DIH) est jugée responsable d’un risque d’hypersensibilité (HS) aux perfusions d’immunoglobulines polyvalentes (IgP) [1]. Celles-ci sont donc déplétées sans être totalement dépourvues d’IgA (et d’IgM), alors que le lien entre IgG anti-IgA et HS aux IgP est de plus en plus remis en cause [2]. Le but de ce travail était de décrire la prévalence des IgG anti-IgA, leur association avec les HS aux IgP, et d’explorer une nouvelle hypothèse physiopathologique impliquant le complément.
Nous avons dosé les IgG anti-IgA par une technique commerciale standardisée (ImmunoCAP, Thermofischer Scientific) chez des témoins sains et des patients DIH. Nous avons confronté nos résultats à la tolérance des IgP par les patients et à une revue systématique de la littérature. Nous avons également dosé les marqueurs d’activation du complément chez des patients DIH avant et après perfusion d’IgP, et in vitro après mise en contact du sérum de contrôles sains et des patients avec des IgP (sérum collecté avant perfusion).
Dans notre étude, les IgG anti-IgA étaient détectées chez 6 % (n=2/32, tous deux traités par IgP) des DICV, 33 % (n=3/10, dont 1 traité par IgP et 2 non traités) des déficits sélectifs en IgA et 2 % (n=1/46) des contrôles sains ; et dans la littérature : dans 9 à 73 %, 25 à 44 %, et 0 à 100 % de ces 3 situations, respectivement.
Dans les données de la littérature et de notre étude, 38 patients DIH présentaient des IgG anti-IgA et une HS aux IgP (dont 3 de notre cohorte). Dans la littérature, 49 patients DIH présentaient des IgG anti-IgA mais une bonne tolérance des IgP. Enfin, dans notre cohorte, 19 % (n=10/51) des patients sans IgG anti-IgA avaient présenté une HS aux IgP.
In vivo, il existait une activation du complément chez tous les patients après la perfusion d’IgP comparativement à avant la perfusion (n=11/11). En comparaison aux patients ayant bien toléré les IgP, l’activation était du même ordre grandeur chez les 2 patients qui avaient présenté des manifestations légères (céphalées), et semblait plus intense chez l’unique patient ayant présenté une réaction d’HS modérée aux IgP (urticaire). In vitro, nous avons observé que les IgP induisaient une activation significative du complément avec tous les sérums des individus testés (n=6/6 contrôles sains et 8/8 patients DIH). Cette activation était similaire entre les sérums avec ou sans IgG anti-IgA, ou entre les sérums de patients substitués et ayant ou non un antécédent d’HS aux IgP.
L’hétérogénéité des données de la littérature liée aux différentes techniques et aux différents seuils de détection utilisés, justifie d’utiliser des méthodes de dosage d’IgG anti-IgA standardisées. Nous avons mis en évidence que la prévalence de l’immunisation aux IgA est faible dans le DICV, possiblement plus importante dans le déficit sélectif en IgA, mais aussi possible chez des témoins sains. La relevance clinique de ce paramètre reste donc discutable, puisque, dans notre étude, la présence d’IgG anti-IgA n’était ni nécessaire, ni suffisante pour expliquer une HS aux IgP. Des études supplémentaires sont nécessaires pour conforter nos résultats sur les tests d’activation du complément, et notamment avant toute substitution chez les patients qui vont en bénéficier. Nos données permettent d’envisager une participation du système du complément à certaines HS aux IgP, comme décrit avec d’autres médicaments sous le terme de Complement activation related pseudoallergy (CARPA). En effet, les réactions de CARPA diminuent classiquement avec la répétition des expositions aux médicaments inducteurs [3], ce qui est également observé avec les perfusions d’IgP.
Nos résultats et la revue systématique de la littérature questionnent sur la pertinence clinique et l’implication physiopathologique des IgG anti-IgA dans le cadre des réactions d’HS aux IgP. L’activation du complément permettrait d’expliquer les caractéristiques cliniques et l’histoire naturelle des réactions pseudo-allergiques observées chez certains patients, suggérant que certaines d’entre elles pourraient être liées à des manifestations d’HS « non allergique » selon la classification actuelle. |
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ISSN: | 0248-8663 |
DOI: | 10.1016/j.revmed.2024.04.392 |